De la stigmatisation à la solidarité : un voyage dans la transformation des soins d’avortement 

« Ils me qualifient de médecin qui pratique des avortements », confie une gynécologue dévouée qui travaille dans le sud rural du Mexique. 

Sabrina, qui travaille dans un hôpital public, a été confrontée à d’importants défis en raison des lois restrictives sur l’avortement qui n’autorisent l’avortement que dans des cas d’exception limités, comme un viol. Au cours de sa formation médicale, elle n’a reçu aucune éducation sur les soins d’avortement. Bien qu’elle soit impliquée dans le programme public d’avortement sécuritaire, Sabrina n’était initialement pas au courant du mouvement plus vaste en faveur de l’avortement ou de l’existence des acompañantes, militantes féministes qui soutiennent l’avortement autogéré par le biais d’un modèle holistique, améliorant ainsi l’accès à l’avortement sécuritaire dans la région. 

Au Mexique, l’accès à un avortement sécuritaire est encore limité, en particulier pour les personnes les plus marginalisées et les plus vulnérables. La stigmatisation sociale et les lois criminalisent à la fois les personnes qui se font avorter et les prestataires de soins, ce qui constitue l’un des principaux obstacles à l’avortement sécuritaire. Être un médecin pro-choix au Mexique signifie souvent se sentir stigmatisé, en danger et isolé; il y a un fossé avec ses pairs et entre le secteur médical et le mouvement plus large en faveur de l’avortement. 

Photo fournie par CISIDAT

Le réseau mexicain des femmes médecins pro-choix : renforcer le soutien et élargir l’accès 

Pour résoudre ces problèmes, le Réseau mexicain des femmes médecins pro-choix [Red de Médicas por el Derecho a Decidir – Mexique] a été créé en tant que premier réseau national dédié à l’unification et au soutien des femmes médecins qui sont des prestataires et/ou des défenseures de l’avortement. Le Réseau relie également ces médecins au mouvement plus large de l’avortement. Ce réseau innovant offre un soutien par les pairs et des formations à ses membres et favorise les collaborations avec les acompañantes, améliorant ainsi l’accès à l’avortement sécuritaire au Mexique. 

Depuis qu’elle fait partie du RMDD, Sabrina sent qu’elle n’est plus seule. Elle se sent soutenue, sachant qu’il y a d’autres médecins comme elle ainsi que des militants de l’avortement, avec qui elle peut partager des expériences et des connaissances. Cela a renforcé son travail de gynécologue dans le secteur public et lui a permis d’étendre sa pratique à la prestation d’avortements, par exemple, à un âge gestationnel avancé, devenant ainsi l’une des seules médecins de l’État à fournir de tels services. Elle collabore désormais avec des accompagnatrices locales qui dirigent vers elle des personnes ayant besoin de soins médicaux, tandis qu’elle les oriente vers un accompagnement personnalisé qui ne peut pas être fourni dans le cadre du système de santé. 

Confiance accrue et soins étendus 

Photo fournie par CISIDAT

« Quand j’ai commencé comme prestataire d’avortements, je suis entrée dans le monde de l’avortement sécuritaire avec crainte, avec l’ignorance de beaucoup de choses, avec beaucoup de stigmates, en me cachant… Maintenant, j’ai acquis beaucoup de confiance grâce à toutes les formations, à toutes les personnes que j’ai rencontrées, à toutes les femmes du Réseau. Avoir un réseau de soutien, (…) m’a permis de ne pas avoir peur, d’agir, de savoir avec certitude que je suis protégée, que les femmes sont protégées, que c’est sécuritaire. Oui, la vérité est que beaucoup de choses ont changé, je n’ai plus peur de parler de ce sujet. 

Le soutien et la formation par les pairs du Réseau ont permis de réduire la stigmatisation, d’accroître les connaissances, la résilience, la sécurité personnelle perçue et l’ouverture de ses membres sur leur position pro-avortement, tout en favorisant les collaborations avec les acompañantes. Cela a permis à plus d’une centaine de médecins du Réseau de s’engager en tant que défenseurs et/ou prestataires de l’avortement, augmentant ainsi l’accès à un avortement sécuritaire au Mexique. 

« La stigmatisation et l’isolement des médecins pro-choix ont toujours limité leur impact sur l’accès à un avortement sécuritaire. L’union de ces professionnels leur a permis de se soutenir mutuellement et d’unir leurs forces, ce qui a ouvert des possibilités de représentation, de prestation de services et de collaboration auparavant inimaginables ». 

Le modèle novateur du Réseau est maintenant partagé avec des organisations et des établissements au Mexique et dans d’autres pays d’Amérique latine, où il peut servir d’exemple réussi d’organisation de médecins pro-choix et fournit des méthodes pour favoriser les interactions entre les professionnels de la santé et les réseaux d’accompagnement. Le financement de cette innovation permet de diffuser l’exemple de réussite du Réseau. 

Pour Sabrina, faire partie du réseau a changé sa vie. Elle ne se sent plus coupable ni craintive. Elle se sent renforcée dans ses actions en tant que prestataire d’avortement et dans sa conviction qu’elle fait ce qu’il faut : améliorer la santé et le bien-être des femmes : « Je me suis parfois sentie seule au monde, car il est difficile de travailler comme médecin dans les hôpitaux publics. Maintenant, j’ai l’impression de faire partie de quelque chose de plus grand, et qu’il y a beaucoup de femmes avec moi. J’aimerais travailler davantage avec des acompañantes, car elles peuvent apporter quelque chose de plus que moi. Je pense que des connaissances différentes, des opinions différentes, des yeux différents, peuvent apporter quelque chose. 

Cette histoire est partagée par CISIDAT.

Les noms des personnes dans l’histoire ont été modifiés pour protéger leur vie privée.